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Commentaire

Exposition Lea Roth
Galerie Hors-Jeu, Avril 2009

Cette fois il n’y a pas de titre à l’exposition, ni d’événements philosophiques ou esthétiques autour des tableaux, rien que de la peinture et quelques indices. Osons quelques pistes, non pour guider le regard et la pensée mais pour, éventuellement, les amplifier de nos propres lectures. Tout d’abord, ce qui frappe, c’est ces corps comme suspendus dans le temps et l’espace, en mouvement ou en torpeur, en lévitation ou en repli, et dont nul regard n’émane. Curieux renversement, l’image regardée, elle, est aveugle et illisible.
Puis les couches, les fonds comme des zones d’absorption de multiples récits possibles, récit d’enfant, d’élévation, du désir comme d’une femme-montagne en érection, d’un état de latence, comme d’une mue annonçant un corps nouveau, défait puis refait. Une image en cache une autre, un tableau est plein de nombreux autres tableaux. Mais les références sont masquées, intégrées, digérées, rendues à leur source anonyme pour mieux montrer que la peinture est également muette, elle ne dit littéralement rien et c’est pourquoi on en parle tant. Mais ne rien dire ne signifie pas ne rien révéler, bien au contraire.
Car comment voit-on ces corps, ces torsions, ces mouvements de transformation ? Par morcellement, juxtaposition de fragments, coupes, plans qui forment un tout apparemment déterminé selon un ordre précis et irréversible mais en réalité composant des possibles inépuisables.
La géométrie multiptyique est ici celui d’un plaisir à déjouer les pièges du réel, de ce qui se donne comme allant de soi tout en maintenant un « bon sens » dont il serait trop idiot de se débarrasser. C’est pourquoi il y a encore visage. Une figure est prétexte à compositions, à abstractions, à colorations qui signent à la fois l’absence, l’incom- municabilité et ne montre rien d’autre qu’un désir d’être vu, regardé, considéré dans son mouvement propre, maladroit, multiple, tendu ou endormi. Bref, la peinture n’est pas le miroir de la réalité – ça les photographes s’en occupent suffisamment bien – mais peut-être un prisme d’altérité, un peu de possible à l’état pur...

S.R